Les jardins d'Albert Khan

Par Iris Makoto

A Boulogne-Billancourt tout près de Paris, se niche un jardin surprenant à l'image de son visionnaire créateur : Albert Khan.


Au tout début du XXe siècle, cet humaniste qui a vécu guerres et persécutions n'aura de cesse d'instaurer des projets prônant une ouverture d'esprit, peu commune à l'époque, sur les diverses peuplades du monde ; pour cela il créera "le Cercle autour du monde" offrant à des étudiants la possibilité de voyager pour découvrir d'autres civilisations. Parallèlement, il constituera une collection de clichés et de films retraçant la vie des hommes aux quatre coins du globe. Ces "archives de la planète" sont exposées au musée attenant au jardin.
Dès 1898, son projet de jardin voit le jour ; il décide de juxtaposer sur un même espace des styles que jusqu'alors tout oppose, symbolisant sa volonté d'unification du dialogue entre les peuples.

Notre voyage autour du monde débute dans l'atmosphère cosy du musée, une lourde porte vitrée s'ouvre alors sur un spectacle enchanteur : le bruissement de l'eau, glissant sur de petits galets, nous accompagne le long d'un chemin sinueux vers le "village japonais". Ici, un sentiment de sérénité emplit le visiteur ; le paysage conçu par des artistes venus spécialement du pays du soleil levant a été mûrement réfléchi pour favoriser l'éveil des sens, mais aussi la méditation et la relaxation si chères aux orientaux. Les roches et les végétaux y cohabitent harmonieusement recréant un paysage miniature, ponctué çà et là de lanternes et autres statues en granit. Deux maisons typiques de l'époque y ont été transportées en pièces détachées et remontées à l'identique accentuant encore le sentiment d'être plongés dans la civilisation japonaise de la fin du XIXe. Les végétaux et les roches se font ici écho, liés par la colonisation d'une délicate mousse omniprésente. Les érables pourpres plantés en solitaires, les azalées, les buis taillés en arrondis offrent un jeu de miroir entre le minéral et le végétal, de rondes pyramides de galets ponctuent le paysage.

En suivant le sinueux chemin, une porte japonaise à deux battants nous indique l'entrée du jardin anglais, transition entre deux mondes et deux cultures : nous passons d'un paysage savamment travaillé à un espace clairement inspiré par la nature où de grands arbres centenaires offrent un doux ombrage à une "so british" pelouse vallonnée et verdoyante. Un cours d'eau inspiré de la célèbre rivière "Serpentine" y a même été créé, forme sinueuse traversant des parterres de bulbes printaniers, véritable patchwork de couleurs : narcisses, scilles, crocus et fritillaires y abondent.
Au fond du jardin, la rivière s'écoule dans un bassin surmonté d'une rocaille évoquant une falaise traversée par un pont qui amènera par la suite le visiteur vers le jardin à la française qui occupe la place centrale de l'espace, discret hommage d'Albert Khan à son pays natal.

Une élégante serre vitrée abrite des plantes exotiques et surplombe de sa masse aérienne une cour rectangulaire aux parterres fleuris bordés de pelouse.

Des bancs en bois encadrent ce vaste espace proposant une halte bien méritée avant la visite de la roseraie adjacente où se succède une collection de roses aux coloris pastels portées par de grandes arches en fer forgé. Curieusement, les rosiers ont ici été associés à des arbres fruitiers, variétés anciennes de poiriers et pommiers taillés en palmettes sur lesquels s’agrippent des variétés grimpantes de roses aux tendres coloris.

Les carrés bien délimités de ce verger-roseraie présentent çà et là des échappatoires vers des zones plus sauvages, plus touffues : la forêt bleue en est le premier exemple. Là, le temps s'arrête et il fait bon se perdre parmi les frondaisons azurées des cèdres de l'Atlas et des épicéas du Colorado, écrin fabuleux à une végétation d'hortensia, de hostas ou d'azalées savamment positionnés.
Surprise ! Au détour d'un buisson apparaît alors un îlot de lumière : le "marais" composé de deux mares entourées de végétaux très spécifiques : massettes, iris, nénuphars, prêles, gunneras apportent une touche de fraîcheur en ces lieux.

Le chemin devient encore plus étroit, la luminosité faiblit, nous nous enfonçons au cœur de la forêt vosgienne, où règnent en maître les épicéas et les hêtres plantés sur un éboulis de granit rose. Le sentiment d'évasion est si total que l'on s'attendrait à croiser un loup ou tout autre animal sauvage.

En redescendant, le paysage s'éclaircit, les troncs blancs lumineux des bouleaux pleureurs cachent au loin une prairie semi-naturelle où cohabitent des plantes simples aux charmes incontestables : coquelicots, ancolies, digitales, campanules, achillées et silènes. Nous foulons la forêt dorée, ainsi nommée en hommage à l'explosion de couleurs ambres émanant des feuillages dès l'automne.

Le chemin du retour traverse à nouveau la forêt bleue et la roseraie, il sinue sur une butte au sommet de laquelle un kiosque en bois laisse apparaître une vue surprenante de grâce : le jardin japonais, paysage de miroirs aquatiques parsemés de constructions en galets empilés, clin d’œil aux "Archives de la planète" si chères à Albert Khan.

Ce tableau est l’œuvre du paysagiste Fumiaki Takano, crée en 1990. Il symbolise l'existence humaine. Il est bâti sur trois axes : l'axe de vie (yang), l'axe de mort (yin) et l'axe féminin-masculin qui se croisent au niveau d'une pierre dressée, offrant une vision à 360° sur le jardin.Des ponts en bois laqués de rouge ponctuent cet univers apaisant et guident le visiteur vers de nombreuses surprises à la fois végétales et architecturales. La floraison exubérante des pêchers, des cerisiers, des magnolias ou des azalées contraste avec la sobriété des arbustes taillés en formes arrondies.
L'eau, est l'élément dominant de cet espace, ses rives explosent sous les couleurs des iris et des nénuphars, alors que la verdoyante prêle du Japon offre ses tiges annelées de noir au faible balancement de la brise.

La visite de ce jardin mappemonde se termine sur une impression de sérénité et de paix. Albert Khan a réussi son défi : créer un univers de découverte où fraternité rime avec diversité !

Informations pratiques


Site web : www.albert-kahn.fr

Albert-Kahn, musée et jardins
10-14, rue du Port - 92100 Boulogne-Billancourt
Standard : 01 55 19 28 00 - Fax 01 46 03 86 59

Jours et horaires d'ouverture
Hiver :
(du 1er octobre au 30 avril)
du mardi au dimanche de 11h à 18h

Été :
(du 1er mai au 30 sept.)
du mardi au dimanche de 11h à 19h

En mai et juin, les jeudis, fermeture des jardins entre 20h30 et 21h et de la galerie à 22h.
Fermeture tous les lundis y compris fériés. Fermeture annuelle pendant les fêtes de fin d'année.

Tarifs
Entrée : 3 € (plein tarif) / 1,50 € (demi-tarif), gratuit pour les moins de 12 ans
Visites guidées et visites parents-enfants : 4,50 € (plein tarif) / 3 € (demi-tarif), gratuit pour les moins de 12 ans
Gratuit pour tous les visiteurs le premier dimanche du mois

Accès
Métro : Boulogne - Pont de Saint-Cloud (terminus de la ligne 10)
Bus : 52, 72, 126, 160, 175, 460, 467 (arrêt Rhin et Danube)
Tramway : ligne T2 (arrêt Parc de Saint-Cloud puis traverser la Seine)
Pour plus de renseignements, nous vous invitons à consulter le site de la RATP.
Vélib : station au 15, rond-point Rhin et Danube


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